Introduction
Le 4 mars 2025, l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) a pris une décision majeure en imposant le partage obligatoire des infrastructures de fibre optique entre les trois principaux opérateurs télécoms du Maroc : Maroc Telecom, Orange et Inwi. Cette mesure, inscrite dans la décision DG/05/2025, marque un tournant dans le secteur des télécommunications marocain, visant à démocratiser l’accès à Internet haut débit et à stimuler la concurrence.
1. Le contexte de la décision
1.1. Un marché dominé par un oligopole
Depuis plusieurs années, le marché des télécommunications fixes au Maroc était dominé par Maroc Telecom, avec une couverture en fibre optique limitée et une concurrence restreinte. Cette situation a freiné le développement de l’Internet haut débit dans certaines régions du pays, notamment dans les zones rurales et moins rentables.
1.2. Les objectifs de l'ANRT
L’ANRT a identifié plusieurs enjeux majeurs nécessitant une intervention réglementaire :
Accélérer le déploiement de la fibre optique : atteindre 5,6 millions de foyers éligibles d’ici 2030, contre 1,5 million en 2022.
Réduire les coûts d’investissement : en mutualisant les infrastructures, les opérateurs peuvent partager les coûts de déploiement et d’entretien.
Stimuler la concurrence : en permettant aux opérateurs alternatifs d’accéder aux réseaux existants, favorisant ainsi la compétitivité et l’innovation.
2. Les modalités du partage
2.1. Un modèle de séparation fonctionnelle
La décision de l’ANRT introduit un modèle de séparation entre les opérateurs d’infrastructure (IO) et les opérateurs commerciaux (CO). Les IO sont responsables du déploiement et de la gestion des réseaux de fibre optique, tandis que les CO offrent des services aux clients finaux en utilisant les infrastructures des IO.
2.2. Offres techniques et tarifaires
Les trois opérateurs ont soumis des offres techniques et tarifaires (OTT) pour le partage des infrastructures FTTH. Ces offres, validées par l’ANRT, définissent les conditions d’accès, les tarifs et les modalités de service pour les opérateurs commerciaux souhaitant utiliser les réseaux existants.
3. Les impacts attendus
3.1. Amélioration de la couverture
Le partage des infrastructures devrait permettre une couverture plus large, notamment dans les zones moins rentables où les opérateurs hésitaient à investir seuls. Cela contribuera à réduire la fracture numérique entre les zones urbaines et rurales.
3.2. Réduction des coûts pour les consommateurs
La mutualisation des infrastructures devrait entraîner une baisse des coûts d’accès à la fibre optique, grâce à la réduction des investissements nécessaires pour le déploiement. Cette économie pourrait se traduire par des tarifs plus compétitifs pour les consommateurs.
3.3. Stimulation de l'innovation
Avec une concurrence accrue, les opérateurs seront incités à innover pour offrir des services de meilleure qualité et plus diversifiés. Cela pourrait inclure des offres personnalisées, des services à valeur ajoutée et une amélioration de l’expérience client.
4. Les défis à surmonter
4.1. Coordination entre les opérateurs
Le succès du partage des infrastructures dépend de la coopération efficace entre les opérateurs. Des mécanismes de coordination et de résolution des conflits devront être mis en place pour assurer une mise en œuvre harmonieuse.
4.2. Protection des données et sécurité
Le partage des réseaux soulève des questions concernant la sécurité des données et la confidentialité des informations des utilisateurs. Des mesures strictes devront être adoptées pour garantir la protection des données personnelles.
4.3. Adaptation des infrastructures existantes
Les infrastructures existantes devront être adaptées pour permettre le partage, ce qui peut nécessiter des investissements supplémentaires et des ajustements techniques.
5. Perspectives d'avenir
La décision de l’ANRT représente une étape majeure vers la transformation du secteur des télécommunications au Maroc. Si elle est mise en œuvre avec succès, elle pourrait servir de modèle pour d’autres pays de la région souhaitant promouvoir l’accès à Internet haut débit et stimuler la concurrence dans le secteur des télécommunications.
Conclusion
Le partage obligatoire des infrastructures de fibre optique au Maroc marque un tournant dans le développement du secteur numérique. En favorisant la concurrence, en réduisant les coûts et en améliorant la couverture, cette mesure devrait contribuer à une transformation numérique inclusive et durable pour le pays.