1. Introduction
L’entreprise américaine Chegg, figure historique du soutien scolaire en ligne, traverse l’une des plus grandes crises de son histoire. Fin octobre 2025, la société a annoncé une réduction de 45 % de ses effectifs mondiaux, soit près de 800 employés.
La cause ? Une mutation profonde du secteur de l’e-learning, portée par l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative (IA), qui change radicalement la façon dont les étudiants apprennent, s’informent et interagissent avec les plateformes éducatives.
Depuis l’explosion de ChatGPT, Claude, Gemini ou encore Mistral AI, les étudiants ont découvert des outils capables de leur offrir des explications instantanées, des corrections personnalisées et même des cours complets adaptés à leur rythme. Chegg, dont le modèle reposait sur des abonnements d’aide aux devoirs, a vu sa fréquentation chuter de manière spectaculaire.
2. Chegg, symbole d’un modèle éducatif à bout de souffle
Créée en 2005, Chegg s’était imposée comme une référence du soutien scolaire numérique, notamment aux États-Unis. Son offre reposait sur :
la location de manuels numériques,
des services d’assistance aux devoirs,
et des cours en ligne personnalisés.
Mais à partir de 2023, l’arrivée des chatbots éducatifs basés sur l’IA a bouleversé cet équilibre. Les étudiants n’avaient plus besoin d’un abonnement payant pour obtenir des réponses précises et contextualisées. En quelques secondes, un modèle d’IA pouvait générer une explication complète, souvent plus claire que les ressources payantes de Chegg.
Conséquence directe :
👉 En deux ans, la capitalisation boursière de Chegg a chuté de plus de 70 %.
👉 Le nombre d’abonnés actifs est passé de 8,2 millions en 2023 à moins de 4,5 millions en 2025.
3. L’IA comme nouvelle norme de l’apprentissage
L’essor de l’intelligence artificielle générative a fait émerger une nouvelle génération d’apprenants. Ceux-ci ne recherchent plus des plateformes figées, mais des tuteurs intelligents capables d’adapter le contenu à leurs besoins précis.
Les outils d’e-learning dopés à l’IA permettent aujourd’hui :
de créer des parcours de formation sur mesure,
d’analyser les lacunes d’un élève et d’ajuster la pédagogie,
de générer des exercices, quiz et explications instantanément,
et même de simuler des conversations pédagogiques avec des experts virtuels.
Des entreprises comme Coursera, Khan Academy ou OpenAI ont compris très tôt cette évolution et ont intégré des modèles de langage avancés pour offrir un apprentissage plus interactif et intelligent.
Chegg, en revanche, a tardé à s’adapter.
4. Le virage tardif de Chegg vers l’intelligence artificielle
Face à la chute brutale de son activité, Chegg tente désormais une reconversion stratégique. En 2024, la société avait déjà annoncé le lancement de CheggMate, un assistant éducatif développé en partenariat avec OpenAI.
Mais malgré ses ambitions, le projet n’a pas rencontré le succès espéré, car les étudiants se sont tournés vers des alternatives plus puissantes et souvent gratuites.
Aujourd’hui, Chegg prévoit de :
recentrer ses activités sur les outils d’IA propriétaires,
licencier massivement pour réduire ses coûts d’exploitation,
et investir dans le développement de contenus automatisés capables de rivaliser avec ChatGPT ou Gemini.
Le PDG de Chegg, Dan Rosensweig, a déclaré que « l’intelligence artificielle n’est pas une menace, mais une opportunité », soulignant que l’entreprise doit se transformer pour survivre dans un marché où l’IA devient la norme.
5. Les impacts sur le secteur mondial de l’éducation
La crise de Chegg dépasse le cadre d’une seule entreprise. Elle illustre la mutation structurelle du marché de l’éducation numérique :
Les plateformes traditionnelles d’e-learning doivent désormais intégrer l’IA pour rester compétitives.
Les enseignants adoptent eux-mêmes des assistants IA pour concevoir leurs cours plus rapidement.
Les étudiants s’attendent à une interaction en temps réel et à un apprentissage personnalisé.
Selon un rapport de HolonIQ (2025), le marché mondial de l’e-learning atteindra 560 milliards de dollars d’ici 2030, dont près de 45 % seront générés par des plateformes intégrant de l’intelligence artificielle.
En d’autres termes, l’IA devient le moteur principal de la nouvelle ère éducative.
6. Vers un e-learning centré sur l’humain augmenté
Si Chegg représente le revers de la médaille, la crise actuelle met aussi en lumière un modèle émergent : celui du professeur augmenté par l’IA.
Dans cette approche, l’intelligence artificielle ne remplace pas l’enseignant, mais l’assiste :
en analysant les performances des étudiants,
en proposant des recommandations pédagogiques,
et en personnalisant le rythme d’apprentissage.
Des startups comme Knewton, Century Tech ou Didacte s’imposent dans ce créneau, combinant IA et pédagogie humaine.
La clé du succès réside dans la symbiose entre la technologie et l’expertise humaine, non dans la substitution.
7. Conclusion
La crise de Chegg n’est pas une simple faillite d’entreprise, mais un signal fort pour tout le secteur de l’e-learning.
Elle marque la fin d’un modèle fondé sur la simple mise à disposition de contenus et l’entrée dans une ère d’apprentissage intelligent, interactif et adaptatif.
Les plateformes qui survivront seront celles capables d’intégrer l’IA au cœur de leur stratégie pédagogique, tout en préservant la dimension humaine de l’éducation.
Car si l’intelligence artificielle redéfinit l’avenir de la formation numérique, l’intelligence émotionnelle et pédagogique reste irremplaçable.