Le Maroc continue de confirmer son statut d’étoile montante de la fintech africaine. La startup Chari, fondée à Casablanca, vient de boucler une levée de fonds de 12 millions de dollars en Série A, l’une des plus importantes du secteur dans le Royaume. Ce tour de table, mené par plusieurs investisseurs internationaux, vient renforcer la position de Chari comme acteur incontournable de la digitalisation du commerce de proximité au Maroc et dans la région MENA.
Mais au-delà du financement, c’est la vision derrière ce projet qui attire l’attention : créer une “super-app” marocaine capable d’unifier services financiers, logistique, e-commerce et gestion de stocks pour les petits commerçants. Une ambition à la croisée du marketing digital, de la fintech et de la transformation numérique des économies locales.
Une levée de fonds qui marque un tournant pour la fintech marocaine
L’annonce de la levée de 12 millions de dollars par Chari a fait l’effet d’un signal fort dans l’écosystème entrepreneurial marocain.
Le tour de table inclut des investisseurs prestigieux venus d’Afrique, d’Europe et du Moyen-Orient, confirmant la confiance croissante dans les startups marocaines à vocation régionale.
Pour Ismael Belkhayat et Sophia Alj, co-fondateurs de Chari, cette levée n’est pas seulement un moyen de croissance : c’est un levier stratégique pour accélérer la création d’une plateforme financière intégrée au service des micro-entrepreneurs, épiceries et commerçants de quartier.
« Notre mission a toujours été claire : donner aux commerçants marocains les mêmes outils digitaux que ceux des grandes chaînes modernes », déclarait Belkhayat.
Grâce à ce financement, Chari prévoit de renforcer sa présence au Maroc, d’étendre ses opérations dans d’autres pays africains francophones, et surtout de développer de nouveaux services financiers intégrés.
De la logistique à la fintech : la trajectoire d’une super-app en devenir
Née en 2020, Chari s’est d’abord positionnée comme une plateforme d’approvisionnement B2B pour les petits commerces.
Son concept initial : permettre aux épiceries et détaillants marocains de commander leurs produits directement via une application mobile, sans passer par les circuits traditionnels souvent complexes et coûteux.
Rapidement, la startup a identifié un besoin structurel : ces commerçants manquaient non seulement d’un canal digital pour leurs commandes, mais aussi d’accès à des services financiers fiables et rapides.
C’est là qu’est née l’ambition de Chari de devenir une super-app combinant commerce, finance et data.
Aujourd’hui, Chari n’est plus une simple marketplace : elle intègre un système de paiement numérique, une solution de crédit instantané pour les commerçants, et une gestion intelligente des stocks.
Ce positionnement lui permet d’être à la fois un acteur de la logistique, de la fintech et du marketing digital local.
Le modèle économique : au croisement du B2B et du digital financier
Le modèle de Chari repose sur un écosystème intégré de services numériques.
L’application permet à un épicier de passer commande auprès de fournisseurs agréés, de suivre sa livraison, de gérer sa trésorerie et même de financer ses achats grâce à un crédit court terme.
Cette approche “tout-en-un” repose sur trois piliers :
Digitalisation du commerce de proximité : en remplaçant les appels téléphoniques et visites physiques par une app fluide et intuitive.
Financement inclusif : grâce à la licence de paiement récemment obtenue, Chari peut offrir des micro-crédits, des paiements différés et des services de transfert.
Exploitation des données : la startup utilise l’analyse des comportements d’achat pour proposer des produits ciblés, des recommandations et des campagnes marketing adaptées.
Ce modèle crée une relation de fidélité numérique entre Chari et ses utilisateurs, transformant le petit commerce traditionnel en acteur moderne de l’économie connectée.
Une levée de fonds aux ambitions régionales
Les 12 millions de dollars levés par Chari vont principalement servir à trois axes de développement :
Consolidation du marché marocain : amélioration logistique, développement du réseau de distribution, et renforcement des infrastructures cloud.
Expansion régionale : entrée sur les marchés voisins d’Afrique du Nord et de l’Ouest (Tunisie, Côte d’Ivoire, Sénégal).
Innovation produit : déploiement de nouveaux services fintech, dont un portefeuille numérique intégré et une solution de paiement instantané inter-commerçants.
L’objectif est clair : faire de Chari la première super-app B2B africaine, à l’image de WeChat en Chine ou Gojek en Indonésie, mais adaptée aux spécificités culturelles et économiques du continent.
Chari et la transformation digitale du commerce marocain
L’impact de Chari dépasse la simple performance économique.
La startup contribue activement à la modernisation du commerce traditionnel marocain, un secteur qui représente encore plus de 80 % du retail national.
Avant l’émergence d’applications comme Chari, les épiciers de quartier dépendaient de grossistes physiques, souvent éloignés et peu digitalisés.
Aujourd’hui, grâce à une interface mobile intuitive, un commerçant peut :
Passer commande en quelques clics ;
Accéder à une base de produits large et actualisée ;
Recevoir ses livraisons en moins de 24 h ;
Bénéficier de crédits courts sans garanties bancaires ;
Accéder à des offres promotionnelles ciblées.
Ce basculement vers le digital change profondément le rapport entre producteurs, distributeurs et détaillants.
Chari devient un pont technologique entre l’économie informelle et l’écosystème numérique marocain.
Une stratégie fondée sur les données et le marketing digital
Au cœur du modèle de Chari se trouve la data intelligence.
Chaque transaction, chaque commande et chaque interaction sur la plateforme alimente un puissant moteur d’analyse.
Ces données permettent à l’entreprise de :
Comprendre les tendances d’achat par zone géographique ;
Optimiser la logistique en fonction des habitudes locales ;
Offrir aux marques partenaires des campagnes marketing géolocalisées et mesurables.
C’est ici que Chari devient également un acteur du marketing digital : les marques peuvent cibler des milliers de petits commerçants via l’application, avec des promotions ou lancements produits adaptés.
Une stratégie qui transforme l’application en canal publicitaire B2B nouvelle génération.
Inclusion financière : un levier de transformation sociale
Au Maroc, plus de 50 % des travailleurs évoluent encore dans le secteur informel.
Pour ces acteurs, l’accès au financement est souvent limité.
Chari a donc fait le choix d’intégrer la fintech à sa plateforme pour offrir des solutions concrètes à ces commerçants exclus du système bancaire classique.
Grâce à son partenariat avec Wave et à l’obtention d’une licence de paiement, la startup permet désormais :
Le paiement digital via QR code ou mobile wallet ;
L’octroi de micro-crédits basés sur l’historique d’achat ;
Le paiement différé pour faciliter la gestion de trésorerie.
Ces innovations participent à l’inclusion financière des micro-entrepreneurs et renforcent la résilience économique des petits commerces.
Chari se positionne ainsi comme un acteur socialement responsable, en phase avec les objectifs du Maroc Digital 2030.
Un impact économique et technologique mesurable
L’impact de Chari se mesure à plusieurs niveaux :
Plus de 20 000 commerçants actifs sur la plateforme au Maroc ;
Des milliers de commandes quotidiennes gérées via un système logistique intégré ;
Des emplois directs et indirects créés dans la supply chain, le service client et la tech ;
Une meilleure traçabilité des transactions et des flux commerciaux.
Ces chiffres témoignent d’un changement structurel : le commerce marocain entre dans l’ère du digital collaboratif, où la donnée devient le moteur de la performance.
Un écosystème fintech en pleine ébullition
L’essor de Chari s’inscrit dans un mouvement plus large de dynamisation du secteur fintech marocain.
De nombreuses startups émergent dans les domaines du paiement, du micro-crédit, de la gestion financière ou de la blockchain.
Avec le soutien de la Bank Al-Maghrib et de l’Agence de Développement du Digital (ADD), le pays attire de plus en plus d’investissements étrangers.
Cette dynamique positionne le Maroc comme un hub régional de la finance digitale, capable de rivaliser avec Lagos ou Nairobi.
Chari, en tant que success-story emblématique, en devient le symbole et le moteur de confiance pour les investisseurs internationaux.
Les défis à venir : régulation, scalabilité et cybersécurité
Malgré son succès, Chari devra relever plusieurs défis pour consolider sa position :
Régulation : s’adapter aux nouvelles lois fintech et à la supervision de la Bank Al-Maghrib.
Scalabilité : maintenir une croissance rapide sans perdre en qualité de service.
Cybersécurité : protéger les données financières sensibles et garantir la conformité RGPD.
Adoption utilisateur : éduquer les commerçants les moins digitalisés à l’usage de la super-app.
Pour y parvenir, l’entreprise mise sur la formation, la communication de proximité et des partenariats stratégiques avec les acteurs publics et privés du digital marocain.
Conclusion : Chari, symbole du digital “made in Morocco”
L’histoire de Chari illustre parfaitement la mutation numérique du Maroc.
Ce qui n’était qu’une application d’approvisionnement B2B est devenu un écosystème complet de services digitaux, intégrant logistique, data, finance et marketing.
La levée de 12 millions de dollars n’est pas seulement un succès entrepreneurial, mais aussi le reflet d’une confiance internationale dans le potentiel numérique marocain.
En s’imposant comme la première super-app B2B africaine, Chari prouve que l’innovation locale peut répondre aux défis globaux : inclusion financière, digitalisation du commerce et compétitivité économique.
Le Maroc, à travers des startups comme Chari, confirme son ambition : devenir le hub digital de l’Afrique, où technologie et impact social avancent main dans la main.